Se sauver (de) soi-même

Se réveiller, en sueur et confus, avec la sensation de tomber dans le vide. Désorienté et troublé, tenter de reprendre ses esprits en cherchant ses repères. Tâter nerveusement l’édredon à la recherche de certitude, puis, se souvenir que nulle n’est certitude que l’incertitude même.

Vivre d’une existence inutile, ou l’inconsistance de l’être : sentence forcée, affliction inhérente, prononcée par une inconscience pernicieuse. Se nourrir, toute sa vie durant, du fruit tombé d’un arbre malade et faire fi de l’amertume de sa chair pourrie. Courir à vive allure à sa propre perte, sans jamais regarder derrière.

Se laisser porter par le courant et dériver à mille lieux de la terre ferme. Transporté par ses propres fantaisies et poussé par son ego, ne subsiste alors que sa propre matérialité à laquelle s’accrocher, tandis que l’on flotte seul sur un océan de vacuité.

Quand la déchéance s’agrippe avec conviction à l’âme et s’immisce sournoisement dans chaque parcelle de la réalité, l’idée de sa propre finalité se veut enivrante par son doux arôme de délivrance. Alors, se laissant tirer vers l’abîme, enveloppé dans les bras de l’abandon, on n’emportera avec soi que le souvenir obscur d’une oeuvre inachevée.

Mais se doit-il d’en être ainsi? Qu’advient-il donc du refus d’une telle fatalité? L’acceptation se veut-elle la seule issue? Suffit-il d’exister dans l’espace-temps? Si l’absurdité d’une entité lacunaire surpassait l’entendement, quiconque s’objecterait à la matrice verrait-il les eaux se séparer devant lui, telle une épopée biblique?

Nul n’esquivera la grande finale, certes, mais puisse cette finale être grande, effectivement? Puisse le dernier souffle être celui de la béatitude plutôt que celui du regret? Puisse l’extase vaincre sur la morosité? N’appartient-il qu’au fou de tenter sa chance au bonheur? La mortalité justifie-t-elle, à elle seule, le désir ardent de se créer?

L’évidence même, la facilité, serait de se soumettre aux volontés de l’instinct et de renoncer à l’exode, succombant aux menaces de l’aléa; se blottir dans la douce chaleur réconfortante de l’ordinaire et s’endormir sur la même mélodie, toujours pour se réveiller, en sueur et confus, avec la sensation de tomber dans le vide…

Suggestion sur le thème de la conquête 🙂

La traversée

 

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