Pour savoir

Ce moment finit toujours par arriver, celui où notre petitesse prend finalement toute la place. Forcés d’admettre qu’il y aura toujours plus grand que « soi »  ̶  plus fort et plus influent que notre toute minuscule individualité  ̶  que nous reste-t-il alors, si ce n’est que la liberté de (nous) questionner? Si (se) questionner implique nécessairement la recherche de réponses, c’est en réalité le déguisement que revêt le doute lorsqu’il daigne sortir au grand jour. Et puisque le doute émane une certaine effluve de malaise, la réponse devrait, à tout le moins, être apaisante.

Et si c’en n’était pas ainsi? Ou si la réponse tardait à arriver, ou n’arrivait jamais? Ou si elle était incomplète, ou erronée, ou peu convaincante? Ou si elle semait d’avantage d’incompréhension, ou dissimulait, finalement, une ignorance plus grande que la question elle-même?

« Les questions montrent l’étendue de l’esprit et les réponses sa finesse. »  ̶   Joseph Joubert

Une éternité de questions ne suffira jamais; une éternité de réponses, encore moins. Devient-il alors impératif, ou simplement possible, d’ignorer cette soif de savoir et ce prurit viscéral qui nous animent et qui, intrinsèquement, nous définissent? Ou, inversement, devons-nous insister davantage et pousser cette quête toujours plus loin?

La facilité, cette tentatrice, est bien futée. Elle ne rôde jamais bien loin, prête à s’immiscer dans les esprits vagabonds et ébranler la charpente de l’assurance, pour ensuite tout anéantir d’un léger soupir. Charmeuse, elle manie le verbe avec une telle éloquence qu’éminemment endurcie devra être cette pensée qui saura en faire fi. Mais cette résistance appelle inévitablement à la force, qui, à son tour, sera finalement confrontée à sa propre fragilité. Entre ensuite dans la ronde le constat d’une conscience limitée  ̶  individuelle et, nécessairement, collective  ̶  faisant place à l’abandon, le gant qu’enfile la facilité pour nous prendre la main. Parce que l’inertie est si douce, la passivité si confortable…

Se vautrer dans la sottise par facilité une vie durant vaut-il alors mieux que la douleur d’une réflexion inachevée?

 

Et nous fûmes!

Je vais te le dire bien franchement, ça fait deux mois que je travaille sur ce billet et… rien. Je pars sur une track et puis j’efface tout. Je suis super inspirée au début, puis en cours de route je réalise que mes mots n’arrivent pas à dire ce que pense ma tête. Et, estimant que tu vaux plus qu’une régurgitation non filtrée de mes idées, je cherche, tout de même, à donner une petite dose de pertinence à mes propos.

Dans ces moments de néant rédactionnel, je m’adonne à une introspection et je cherche un sujet qui pourrait nous unir, toi et moi; quelque chose qui nous ferait dire : « Je pensais que c’était juste moi! ». Mais il n’y a qu’une pensée qui me revient toujours en tête, celle qui m’allume autant qu’elle m’effraie : JE NE SAIS PAS. Pas dans le sens que je ne sais pas sur quoi écrire, mais dans le sens que je n’ai aucune espèce d’idée de ce qu’il se passe ici, dans ce qu’on appelle la « Vie ». Je ne sais absolument rien, en fait. Et au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, toi non plus. Non. Je ne suis pas en train de d’insulter, mon espèce d’ignorant toi, pas du tout. Je m’inclus là-dedans aussi.

« Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » – Socrate

Je ne sais pas où je m’en vais, je ne sais pas si je fais bien ça « être un humain », je ne sais pas à quoi ça sert, je ne sais pas pourquoi… Oui, depuis le tout début les humains se posent ces mêmes questions, mais maudit, on est presque rendu à déménager sur Mars qu’on ne sait même pas ce qu’on fait icitte à la base. On veut aller ailleurs, soi-disant pour assurer la survie de l’espèce, sans savoir si, dans toute l’histoire de l’Univers, la race humaine mérite vraiment d’être sauvée. C’est vrai, il nous manque des renseignements importants gang! Tant et aussi longtemps qu’on ne sait pas à quoi on sert – parce qu’il s’agit d’une caractéristique typiquement humaine que de vouloir donner une fonction et une explication à tout – on devrait se calmer les nerfs sur la pérennité de la race.

J’ai l’air de mépriser mes compères comme ça en doutant de notre « importance », mais ce n’est vraiment pas mon point. C’est juste que j’aimerais beaucoup ça, moi, comprendre. Et si possible, avant de mourir. Parce que ça, oui, on s’entend là-dessus. Notre corps meurt à un moment donné. Il reste à déterminer si le reste meurt aussi, le reste étant la patente qui existe dans « la tête » qu’on appelle la conscience, l’esprit ou l’âme. Tu vois, même avec la certitude de la mort, l’humain ne sait même pas : les scientifiques disent quelque chose et les religieux disent autre chose. Moi ça ne me satisfait juste pas.

La meilleure façon pour moi de constater la petitesse (d’un point de vue matériel et non essentiel) de ma personne, et donc la petitesse de l’humain dans son intégralité – autant que dans sa globalité, est de simplement me coucher par terre sur le dos, à l’extérieur, un soir sans nuages, et de regarder le ciel. Bien que magnifique, avec ses milliards d’étoiles, l’immensité du ciel me déstabilise toujours. En fait, je dois t’avouer que depuis aussi loin que je me souvienne, regarder le ciel la nuit m’a toujours un peu fait peur. Je sais, je suis bizarre. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. L’infini, l’inconnu… Ça doit être ça. Je n’ai pas peur des araignées, mais du ciel étoilé, oui! 😂

J’ai l’impression que l’humain, depuis qu’il est humain, ne fait que jouer à être humain! On transmet nos connaissances, on évolue (technologiquement, certes, mais fondamentalement, bof!). On fait ce que l’on croît être la bonne chose, individuellement et collectivement, mais au fond, encore à ce jour, personne n’a jamais réellement su WTF is going on!

Mais là, c’est bien beau prendre conscience de cette belle ignorance-là, mais on fait quoi?

Tu vas me dire, tel un Socrate moderne : « Moi je sais une chose, c’est que j’ai mon char pis mon hypothèque à payer, pis que mon boss est sur mon dos pour que je finisse mon dossier et que mes enfants feront la crise du bacon si je ne leur sers pas leur jus d’orange dans le bon gobelet; ça c’est si j’arrive à l’heure à la garderie parce qu’il y a encore du t******* de trafic, pis en plus j’ai oublié de partir le lavage et j’ai rien de prêt pour souper, fa que ta crise existentielle sur « qui suis-je? » et « où vais-je? » tu peux te la fourrer dans l’c….. ».

Woah! Prends un p’tit respire… Mais t’as raison. Je suis un peu intense. Et je comprends que nos obligations matérielles et physiques subsistent, et priment sur le besoin de tout analyser dans une dissertation philosophique. Mais justement, quand on a le nez un peu trop collé sur l’arbre, on ne voit pas la forêt. Il faut parfois prendre une légère distance pour mieux se recentrer ensuite. En fait, c’est nécessaire je crois.

Quand mes petites misères prennent trop de places, je pense aux étoiles et je me demande si on les verrait vue de là-haut. Et la réponse est toujours non.

Un I.S., ça ne se guérit pas

As-tu ça, toi, des inconforts sociétaux?  Moi, absolument, tout plein. De quessé ça, un inconfort sociétal, que tu me dis en haussant les épaules et en relevant un sourcil? Mis à part le fait que j’ai inventé ce terme, enfin je crois, un inconfort sociétal, ou I.S., est un fait, une action, un événement, une convention, une façon de faire ou de dire ou simplement une chose indéterminée communément et régulièrement répandue et acceptée dans la société, mais dont personne ne comprend réellement les fondements ou ne peut s’expliquer les raisons implicites ou l’origine d’un tel fait, action, événement, convention, façon de faire ou de dire ou chose. (OMG! Ça c’est de la phrase!) En gros, c’est quelque chose dont tout le monde fait l’expérience à un moment ou à un autre mais vis-à-vis laquelle personne ne sait comment agir ou réagir adéquatement, parce que le Code des relations interpersonnelles est muet à ce sujet… Quoi? Le Code des relations interpersonnelles n’existe pas? Ah, okay! Ça explique TOUT!

Alors, on y va.

I.S. No 1 : Les toilettes pour handicapés

Tu sais de quoi je parle, surtout si t’es une fille. Quand tu te ramasses dans le cubicule pour handicapés, par obligation ou par choix, tu ne peux pas t’empêcher de te sentir un peu mal, hein? Comme si tu venais de voler le sac à main d’une petite vieille ou si tu avais mangé le dernier biscuit Oréo en regardant ton enfant droit dans les yeux…

Cette légende urbaine voulant que le cubicule pour handicapés soit réservé à l’usage exclusif des fauteuils roulants et devant être gardé disponible en tout temps est juste… Nay! Selon un sondage* effectué auprès de personnes en fauteuil roulant, à la  question « Comment vous sentez-vous lorsque le cubicule pour handicapés est occupé lors de votre arrivée dans une toilette publique? », 86 % des personnes interrogées ont affirmé « s’en cr***er », 11 % ont dit « Meh! », 2 % ont répondu « Bof… » et le dernier 1 % a préféré s’abstenir de commentaires.

En conclusion, le cubicule pour handicapés est conçu pour recevoir un fauteuil roulant (ou 1 poussette + 2 enfants + 1 adulte + 23 sacs!), sans être en aucun cas interdit à quiconque se déplaçant sur 2 jambes. Faisons pipi en paix les amies!

I.S. No 2 : La chanson « Bonne fête »

L’origine de cette douce mélodie (qui, le savais-tu, était originalement protégée par des droits d’auteur!- la version anglaise Happy Birthday To You, du moins) étant encore nébuleuse, il est difficile de pointer quiconque du doigt avec certitude. Pour ce qui est de sa popularité, l’effet d’entraînement y est sans doute pour quelque chose. Mais tout le monde la chante depuis le milieu du 20e siècle sans trop se poser de questions, plutôt de façon automatique. Si chanter les mots « Bonne fête » est étrange en soi, se le faire chanter est source de malaise. Oui, parce que nul ne sait trop quelle expression afficher, ni s’il est convenable de chanter aussi. Et, si par malheur tu t’appelles « Maxime-Christopher », tu viens de fucker l’air de la tune solide. L’autre problème réside dans le choix de la chanson : le « Bonne fête » original, ou bien l’autre qui dit « Cher Maxime-Christopher, c’est à ton tour… »? Peu importe, pourquoi chanter ça, alors qu’on ne chante absolument rien d’autre dans la vie? On n’a pas inventé une chanson pour célébrer la perte de dents, ni la puberté, ni la ménopause. Alors pourquoi chanter« ce stade de vie » sur lequel on n’a ABSOLUMENT aucun contrôle? Naître et vieillir… pourquoi ça mérite une chanson? Je ne comprend rien là-dedans…

I.S. No 3 : Saluer un étranger dans la forêt

Bon, ça là… Ça m’angoisse. J’aime croire que je suis une personne sympathique et amicale dans la vie de tous les jours. Je respecte mon prochain et je m’occupe de mes petites affaires sans trop causer de vagues; je suis courtoise au volant et je suis polie avec le commis à l’épicerie; je fais du small talk avec mes voisins et je retiens la porte ouverte pour la personne qui entre derrière moi au centre d’achat. Jusque là, aucun problème. Mais pourquoi, POURQUOI, lorsqu’on se situe à l’intérieur du périmètre d’un espace boisé, doit-on saluer les gens qu’on croise? Ça sort de où tout ça? Je ne me fais jamais saluer par un pur inconnu dans l’allée des vis chez Home Dépôt, ni dans le stationnement de la pharmacie. Alors pourquoi dans la forêt? Le plus insécurisant dans cette histoire, c’est que ce n’est pas tout le monde qui le fait! Alors non seulement faut-il s’extirper temporairement de sa retraite mentale, il faut en plus observer la personne qui approche et, en en moins de 5 secondes, juger si elle correspond au type « Salueur des bois » !!! Pour quelqu’un comme moi qui aime le monde, mais qui aime encore plus avoir la maudite paix, c’est épuisant. Donc j’opte pour l’approche réactive. Je vais te répondre par un « ‘jour » furtif et rapide, sans plus. Mais commence pas à me dire qu’il fait beau…

I.S. No 4 : Éternuer

Notre corps étant ce qu’il est, il fait bien ce qu’il veut quand il le veut, notamment « apitchoumer ». Nul n’y est à l’abris et si l’on se fit à la croyance populaire qui perdure depuis des millénaires, ce phénomène naturel servant à l’expulsion de poussières et de particules serait en fait relié soit aux esprits, soit à la lune. Il importe alors de formuler une incantation pour contrer tous maléfices potentiels et ainsi sauver nos pauvres âmes : « À vos souhaits! ». Ces paroles magiques, même prononcées par le plus commun des mortels, portent indubitablement une puissance ultime puisque partout dans le monde et depuis l’Antiquité l’homme se soumet rigoureusement à cet enseignement libérateur. Ma question est la suivante : pourquoi ne pas bénir ainsi les pets? Ou bien l’éructation? (Ça, c’est le vrai mot pour rot.) Ou encore le bâillement? C’est vrai, pourquoi craint-on qu’un éternuement n’ouvre un portail multidimensionnel par lequel notre esprit sera aspiré, alors qu’un bâillement offre quant à lui une brèche d’accessibilité beaucoup plus invitante? On ne dit rien à quelqu’un qui baille. On trouve dégueu le rot et le pet, certes, mais on ne sent pas le besoin de prononcer un prière. Alors, pourquoi s’empresser de faire appel à une aide divine quand quelqu’un éternue? Ce qui m’embête le plus avec ça, c’est de devoir dire « À vos souhaits! » à un pur étranger (qui évidement s’y attend) dans une situation qui, à la base, ne nécessite aucune conversation. En plus, on a le réflexe de s’excuser. Il faut que ça cesse tout ça, si tu veux mon avis.

I.S. No 5 : Les piscines publiques

Il y a quelque chose de profondément anormal que de partager un énorme bain tiède sur-chloré avec des inconnus à moitié à poil. Oublie les germes et l’échange de fluides un instant et pense à l’action même de te baigner. Un mince tissu recouvre juste assez ce qu’il y a à couvrir, tu sautilles sur place (souvent sur une jambe) en faisant le papillon avec les bras et tu essaies d’éviter le regard des gens. On trouverait ça très weird de faire ça en dehors de l’eau, avoue. Dans tes déplacements, si par malheur tu frôles la jambe de quelqu’un… beurk! Mais on y va quand même… Parce que avoir chaud c’est bien pire que de mariner avec des étrangers.

Et ainsi de suite… La liste pourrait inclure l’étiquette à suivre aux kiosques de dégustations gratuites, la rage au volant, rire quand on voit quelqu’un tomber, ne pas savoir quel œil regarder quand on parle à une personne qui louche, dire tu ou vous, quoi faire avec un enfant bizarre qui te fixe sans relâche…

J’ai tout appris sur Christophe Colomb à l’école, sur la végétation qui compose le paysage du Nord québécois et sur Pythagore. Apprivoiser la nature humaine et interagir adéquatement avec mes compères Homo Sapiens, en revanche, c’est venu sur le tas et c’est un work in progress.

 

*Sondage inventé de toutes pièces, franchement.